vendredi 10 juin 2016

La stratégie du tout online de Sézane


Lancée en 2013 par Morgane Sézalory, Sézane est une marque de mode qui a la particularité d'être vendue uniquement sur internet. Il n'y a qu'une boutique en ligne et les collections ne sont composées que d'une cinquantaine de pièces en série limitée. Pourtant cette marque est devenue en quelques années un incontournable de la mode française. Les articles fleurissent sur les blog de mode pour encenser la nouvelle venue dans le monde du digital, les fashionistas se ruent sur les nouvelles collections à tel point que certains articles sont en rupture de stock en quelques heures seulement.
Pourquoi cette petite marque jouit elle d'un si grand effet de mode ? Qu'est-ce qui affole tant les fashionistas française ? Une fois l'effet de mode passé, quel pourrait être l'avenir de cette marque qui a énormément misée sur le digital ? Une marque de mode peut elle vivre demain sans boutique physique ?



Une histoire originale


Sézane semble être le reflet de sa fondatrice : curieux, souriant et optimiste. Tout à commencé lorsqu'elle revend sur ebay les vêtements de sa soeur partie à Londres. Morgane se met ensuite à chiner des vêtements qu'elle customise et revend sur le même site internet. Le succès se fait déjà sentir et l'argent des ventes lui permet de financer ses premières collections. Ebay devient trop contraignant pour elle et de fil en aiguilles, elle crée en 2007 sa première marque : Les composantes. Celle-ci mélangera des curiosités chinées, des pièces customisées et des premières créations. Elle utilisera pendant plusieurs années le site VestiaireCollective pour vendre ses collections déjà proposées à l'époque à un rythme mensuel. Puis en 2013, le cap est franchit, elle s'assume en tant que créatrice et lance Sézane, contraction de son prénom et de son nom. Dans un premier temps le principe sera de quatre collections par an, en séries limitées, et toujours vendues uniquement sur internet. Le succès sera rapidement au rendez-vous, et maintenant les collections saisonnières sont complétées de best sellers disponibles toute l'année.


Si le travail acharné de Morgane semble être un des éléments essentiels de la réussite de la marque, d'autres points semblent eux aussi importants. Le fait que les collections capsules soient disponibles tous les trois mois crée un rendez-vous que les fidèles de la marque attendent avec impatience. Le nombre limité de pièces disponible en augmente encore plus l'attrait. La fondatrice se défend ici de toute stratégie mercantile : regrouper ses pièces par collection était déjà une habitude qu'elle avait à l'époque des Composantes. Le nombre limité d'exemplaire de chaque pièce est plus dû au fait que la marque soit autofinancée que par choix stratégique. Durant les premières années d'existence de la marque, elle ne pouvait pas se permettre de prendre le risque de commander trop de pièces et de gérer des invendus et des stocks trop volumineux.

Le nombre d'exemplaire limité de chaque pièce entraîne plusieurs conséquences : financièrement la marque prend peu de risque, créativement elle évite ainsi que trop de personnes puissent se retrouver avec le même haut dans une soirée, comme c'est le cas avec des vêtements de la grande distribution et enfin elle crée de la rareté. Ce dernier point est à double tranchant, les fashionistas seront ravies d'avoir pièces rares mais le grand public pourra être rapidement lassé de cette marque dont les modèles sont en rupture de stock quelques jours après le lancement de la collection. Il c'est ici crée le même phénomène que sur le site vente privée.com. Les fans notent la date du lancement de la prochaine collection et ne manquent sous aucun prétexte ce rendez-vous, au risque de créer une lassitude chez les autres acheteuses potentielles qui n'arrivent pas à obtenir la pièces qu'elles convoitent.
La faible prise de risque sur la vente des produits permet aussi à la Morgane d'investir dans la qualité de ses matières premières, sur les détails et la finition des vêtements. Ce point participe certainement aussi au succès de la marque.



Le choix du tout digital


Le parcours de Morgane, depuis Ebay jusqu'à Sézane, est une suite logique et naturelle. Dès le début, son activité est entièrement portée sur le digital. Une fois la marque lancée la question de la boutique physique c'est très certainement posée. Ce choix de vendre ces produits uniquement sur internet permet à la marque de ne pas prendre de risque financier encore une fois. Pas de loyer, pas de boutique à décorer, pas de vendeuses, pas de frais supplémentaires. Si le digital est la voie naturelle pour Sézane, c'est aussi un choix économique.
Ce choix à pour première conséquence qu'il nécessite un site e-commerce irréprochable. Je n'ai pas trouvé les différentes versions du site afin des les étudier, mais il est certain qu'en trois ans le site a dû bien évoluer.


A l'heure actuelle, la force du site est premièrement son design très soigné. Celui-ci donne une image simple et élégante à la marque. Une large place est laissée aux photographies et de grands espaces blancs laissent respirer l'ensemble. Une belle typographie a empattement, la Freightbig accompagne la Gotham et ajoute une certaine élégance à l'ensemble. Le stricte noir et blanc est rehaussé par l'utilisation d'une couleur dorée qui prolonge cette impression général d'élégance. Les photographies sont très réussies, elles sont simples et chaleureuses. Plus jolies que des photographies de site e-commerce classique, elles font écho à de véritables photographies de magazine. L'éclairage est toujours remarquable et les produits sont mis en scène de manière simple et efficace. Elles véhiculent aussi une atmosphère plus proche de celles des photos de vacances que des photos que l'on trouve habituellement dans les magazines de mode. Chaque collection est regroupée sous un thème, souvent associé au voyage. De ce fait, l'internaute qui découvre la dernière collection capsule, est entrainé dans une série de photos ressemblant plus à des photos de souvenirs de vacances qu'à des photos d'un site e-commerce traditionnel.
Un site clair, de belles photographies bien mises en valeur; voilà un site internet confortable. L'ergonomie est intuitive et le responsive efficace. La version mobile est elle aussi élégante, la partie à-commerce est sur deux colonnes, mais la présentation des nouvelles collections capsule se fait sur une colonne laissant encore une fois une très large place aux images.

Cette proximité de la marque avec sa clientèle, est très visible sur intagram. Suivre le compte de Sézane, c'est comme suivre le compte d'une bonne amie qui serait perpétuellement en vacances. Le photographies de véritables shooting se mêlent à des paysages, des détails de décoration, des produits et d'autres photographies qui semblent avoir été prise sur le vif. Le compte personnel de Morgane est encore plus impressionnant. C'est un magnifique mélange d'un carnet de voyage, d'un catalogue de mode et d'un catalogue de décoration, plus quelques photos plus intimes. L'ensemble est traité avec cette atmosphère si simple et si belle que l'on retrouve omniprésent dans la marque Sézane. Facebook (300 000 abonnés) et Twitter (8500 abonnés) ne sont pas en reste mais Instagram (200 000 abonnés) est le réseau social le plus utilisé par la marque. Le flux du compte est même relayé dans le site de la marque comme s'il s'agissait d'une rubrique à part entière. Voilà un bel exemple de la parfaite utilisation d'un réseau social. Morgane, elle même, avoue prendre beaucoup de plaisir à mettre à jour régulièrement son compte personnel et celui de sa marque. Elle fédère ainsi une communauté de fans, qui deviennent de vrais connaisseurs de la marque en découvrant en avant première les shootings et les pièces des futures collections. Et plus encore, puisque qu'avec un savoir-faire extrêmement subtil, Morgane distille aussi quelques éléments de sa vie privée dans ces deux comptes. Elle crée ainsi une sorte de relation d'amitié. Elle communique avec ses clients potentiels, comme s'il s'agissait de ses amis. Que peut-on faire de mieux pour pour prendre soin de sa clientèle que de lui donner la place d'une amie ?

Le choix du tout digital entraine la construction d'un service de livraison efficace et d'un service après vente compétent. Sézane s'engage sur une livraison en 72h minimum, ce qui est assez rapide pour une jeune et petite marque. Les emballages sont soignés, le carton de livraison est lui même décoré d'une version stylisé du logo et chaque envoi est accompagné d'une carte de remerciement et même d'un petit cadeau supplémentaire. Comme Morgane aime à le répéter, son travail consiste à chouchouter ses clientes.
Le service après vente est organisé autour de la possibilité de retourner sans frais son achat si le client n'est pas satisfait. Le bon de retour est déjà disponible dans chaque colis. Un vrai soin est apporté à l'emballage et à la livraison pour palier à l'absence de service que l'on pourrait trouver en boutique.



Et ensuite ?


Maintenant que Sézane est devenue une marque connue et que très certainement ces capacités financières ce sont améliorées, quel peut bien être son avenir ? Puisque la marque a choisi de n'exister que sur le net comment pourra-t-elle continuer à se développer une fois l'effet de mode passé ?
La première évolution choisie par Morgane Sézalory a été d'ouvrir, en octobre 2015, une boutique "connectée" rue Saint-Fiacre à Paris. Dans ce lieu, les clientes peuvent essayer les vêtements et les accessoires vendus en ligne sur le site internet. Les collections saisonnières, les collections capsules, la collection permanente, tout est là. Mais rien n'est directement vendu en boutique. Après avoir essayé la pièce choisi, il faut passer commande sur le site via un des ordinateurs disponibles en boutique et le produit choisit sera livré au domicile de l'acheteur en 48h. "Nous voulons rester exclusivement digital, c'est le prolongement naturel de l'expérience Web", explique la créatrice. Depuis des travaux ont été fait dans la boutique et au printemps 2016, la boutique a réouvert sur le même concept mais avec une décoration encore plus soignée et toujours fidèle à l'univers de la marque. Cette fois ci, pour palier à la frustration de ne pas pouvoir partir avec la pièce de ses rêves, la cliente peut acheter les objets de décoration. Ces objets ont été sélectionné par la fondatrice de Sézane et cette sélection d'objets, fait évidement penser à la première activité de Morgane lorsqu'elle revendait sur ebay des vêtements chinés dans les friperies. Cette boutique "connectée" pourrait être le premier pas de Sézane vers la création d'objets de décoration ou de papeterie ou de linge de maison... L'avenir de la marque est peut être dans la diversification de sa production.


En parallèle, la création d'une boutique crée immédiatement une nouvelle expérience client, un contact direct avec l'acheteur. La boutique offre un écrin qui permet à la fondatrice de construire un univers décoré cohérent avec sa marque et beaucoup plus fort que le site web. En revanche, cette notion de "connecté" devra être beaucoup plus forte pour palier à la frustration de ne pas pouvoir repartir avec son vêtement sinon l'intérêt de se déplacer jusqu'à la boutique risque d'être mineur. Peut être faut-il envisager un lien plus fort en utilisant instagram. A la sortie des cabines d'essayage, les clientes pourraient être photographié avec leur nouvelle tenue et la photo serait directement mis en ligne sur le compte Sézane. Les clients deviennent une partie intégrante de la marque. Il serait peut être possible de créer une base de donnée pour les clients fidèles et ainsi obtenir un conseil personnalisé. En fonction des achats précédents, le vendeur c'est exactement quelle pièce et à quelle taille, il doit proposer à sa cliente. Le vendeur devient un personal shopper. Et pourquoi pas envisager des systèmes plus complexes encore ? Dans quelques temps je suis persuadé, que la cliente pourra aller en boutique pour faire prendre ses mesures par un scanner géant et ensuite lorsqu'elle se connectera chez elle sur le site de la boutique tous les vêtement disponible s'afficheront comme si c'était elle qui les portait.
Je crois que le concept de boutique "connectée" devra, dans un futur proche, être poussé plus loin encore pour avoir un vrai intérêt et être ainsi viable.


L'avenir de la marque pourrait aussi s'inscrire dans un développement continu, qui serait une suite naturelle de son histoire. Les collections comprendront de plus en plus de pièces et disponibles en quantité toujours plus importante. Et pourquoi pas la création d'une ligne destinée aux hommes, ou aux enfants ?
L'international sera inévitablement un des défis. Morgane Sezalory affiche déjà son souhait d'ouvrir d'autres boutique-appartements à l'étranger.
Aujourd'hui, le site internet existe en version anglaise et espagnol. Mais il ne suffit évidemment pas de traduire le site dans une nouvelle langue pour ouvrir un nouveau marché. Il faut mettre en place les réseaux de distribution, et les relais de livraisons et réussir à se faire connaître dans chaque nouveau pays. C'est là que le digital et les réseaux sociaux auront toutes leurs importances.
Morgane et son équipe peuvent-ils d'ailleurs encore améliorer leur utilisation des réseaux sociaux ? Leur aptitude à jouer avec Instagram semble déjà presque parfaite. Des campagnes de recrutement pourrait leur permettre d'augmenter leur nombre d'abonnés et leur liste d'adresses e-mail, mais la manière de communiquer sur ces réseaux est déjà fine et adéquate. La meilleure évolution serait de pouvoir vendre directement ses produits sur Instagram mais cette fonctionnalité n'existe pas encore. Il s'agit là, j'en suis persuadé, d'une des prochaines évolutions d'instagram. Quant à créer eux même leur propre réseaux social, où les fans de la marque pourraient s'échanger des conseils, se montrer leurs acquisitions et vendre leurs pièces d'occasion, cela semble délicat. La communauté de fashionistas suivant Sézane n'est pas encore de la taille de celle de Net-à-porter.
Finalement une des seules certitudes de l'avenir de la vente de vêtements sur le net c'est le développement des services. Les clients seront de plus en plus aidés et guidés dans leurs choix. Grâce aux données collectées à partir de leur précédents achats, les campagnes de ciblage automatiques des publicités seront toujours plus précises. Peut être, dans quelques mois, en lisant un article sur un autre site, une publicité m'avertira qu'il ne reste plus que quelques pièces à ma taille de cette collection qui me correspond particulièrement chez Sézane. Et pourquoi pas des alertes de geolocalistion ? Celles-ci m'avertiraient lorsque je serais à proximité d'une boutique connectée : "Vous êtes à deux pas de la boutique rue... Si vous en profitiez pour aller essayer cette veste que vous aviez repéré lors de votre dernière venue sur l'e-shop ? " De nombreuses idées peuvent être trouvées pour améliorer le service de la vente en ligne.
Plus de conseils, plus de services, un site qui se transforme en personnal shopper, une toujours plus grande utilisation des réseaux sociaux, voilà quel pourrait être le futur de Sézane.



Selon moi, le seul risque de cet avenir serait la perte de son identité, de son ADN. A trop vouloir mettre en place des outils de marketing, Sézane risquerait de se transformer en machine à vendre et de perdre son statut de marque de connaisseurs. Or la base de Sézane, comme aime à le répéter sa fondatrice, c'est de chouchouter sa clientèle. Il ne faudrait pas qu'une stratégie marketing trop agressive transforme cette belle relation qu'il existe actuellement entre cette marque et ses clientes.





site e-commerce : http://www.sezane.com/fr

lundi 23 mai 2016

Hermès et la diversité de ses supports online


Est-il encore nécessaire de présenter la maison Hermès ? Fondée en 1837 par Thierry Hermès, il s'agissait à l'origine d'une manufacture de harnais et de selles. La maison a su exploiter ce savoir faire dans la sellerie afin de l'utiliser dans la bagagerie et la maroquinerie. Aujourd'hui Hermès a diversifié ses activités grâce au prêt-à-porter principalement mais aussi grâce aux métiers de la soie, l'horlogerie, les parfums et les arts de la table. Jean Louis Dumas, PDG du groupe de 1978 à 2003, déclara : "Notre premier client, c'est le cheval ; le deuxième, le cavalier."
Depuis les années 90, le groupe c'est énormément développé à l'international, en accentuant sa présence autour de trois grands pôles : l'Asie, l'Europe et les Etats Unis. Le groupe dispose à l'heure actuelle de plus de 300 boutiques dans le monde.
Si la communication d'Hermès semble exemplaire depuis des années sur toutes les campagnes print, le storytelling et tous les autres médias en général, le positionnement digital de marque est en revanche beaucoup plus surprenant. Les sites corporate et e-commerce semblent être restés bloqués dans l'internet des années 2000. Alors que les sites dédiées aux opérations événementielles sont modernes et très intéressants créativement, pourquoi laisser les deux sites les plus importants du groupe en jachère ? Quelles sont les répercutions d'un tel choix ?



Le voyage, le rêve et la poésie


La majeure partie de la communication d'Hermès utilise les thèmes du voyage ou du savoir faire artisanal de la maison. Le voyage est synonyme de rêve et le savoir faire est lui synonyme d'excellence. Une élégance, discrète et raffinée est toujours présente dans tous les éléments de communication de la marque. On se souvient de la campagne pour le lancement du parfum Voyage, elle mettait en scène un oiseau et un cheval dans un ballet poétique et métaphorique. L'univers du cheval et de l'équitation, qui fait évidemment référence aux racines de la maison, est lui aussi très largement utilisé. Beaucoup de campagnes print pour le prêter-à-porter utilisent des mises en scènes poétique où le décor à une grande importance. Il s'agit souvent de décor où la nature est prépondérante, l'eau, la neige, le sable, la forêt, etc. Plus rarement, le décor se fait urbain et met en scène une ville onirique, rapidement identifiable comme étant une vision idéalisée de Paris. Le claim est toujours minimaliste, le logo discret et le produit pas toujours bien mis en valeur. L'important dans cette communication est surtout le travail sur l'image de la marque, c'est avant tout le storytelling qui est mis en avant.


La revue Le monde d'Hermès, qui est en libre distribution dans les boutiques, est le reflet de cette communication si poétique. Les photographies présentant la collection prêt-à-porter, la maroquinerie ou la soierie sont dans la continuité de l'univers crée dans les campagnes publicitaires. Les articles éditoriaux, sont plus souvent accès sur l'expertise et le savoir faire des artisans de la marque. Dans ce magazine apparait aussi une esthétique plus expérimentale : une manière originale de jouer avec les produits, souvent comme s'ils étaient de simples objets désacralisés. Cette expérimentation apparaît aussi souvent dans les courts films produit par la marque comme Metamorphosis, an Hermès story où les objets sont mis en scènes dans un enchainement d'animation colorées et ubuesques. Ce type de présentation, enrichi d'un nouveau format la vidéothèque Hermès déjà riche des portraits de ses artisans ou des portraits de cavaliers et de leurs montures. La marque sait aussi se faire poète et réalise de courtes vidéos oniriques à destination des réseaux sociaux comme Le Jardin de Monsieur Li, painting can be read like a book où un peintre calligraphie des mots chinois à même le sol. La peinture est remplacée par de l'eau et grâce à la chaleur ambiante les mots s'évaporent et s'effacent au fur et à mesure que le peintre les rédige.




Le digital divisé en deux groupes distincts


Le groupe Hermès possède de nombreux sites, il y en a tellement qu'une landing page a été crée afin de guider l'internaute vers le site qu'il recherche. Globalement nous pouvons classer ces sites en plusieurs groupes. Premièrement, nous trouvons les deux principaux sites : le site corporate les ailes d'Hermès et le site e-commerce france.hermes.com. Dans un deuxième groupe nous pouvons ranger les sites évenementiels, comme actuellement manifeste, hermesistible mais aussi le saut Hermès et le site defilés ou encore les mains d'Hermès. Nous pouvons faire un troisième groupe avec les sites des marques appartenant au groupe, c'est à dire John Lobb, Saint-Louis, Puisforcat. Enfin, un quatrième groupe comprenant les sites institutionnels comme le site finance, le site de la fondation Hermès et le site des éditions Hermès. Dans cette étude, nous ne traiterons pas de ce dernier groupe dont les sites n'ont pas de fonction commerciales avérées. En revanche, nous prendrons le temps de nous pencher sur l'utilisation que fais la marque des principaux réseau sociaux.


Nous remarquons immédiatement qu'il y a trop de sites internet et surtout que le site corporate et le site e-commerce sont deux sites distincts. De plus, pour une marque si forte en storytelling, il n'y a pas de plateforme de brandcontent, pas même de blog.
La première chose qui frappe l'internaute découvrant le site des ailes d'Hermès est la petite taille du site. Nous savons que cela est dû au fait que le site n'ai pas évolué dans sa structure depuis plusieurs années et qu'il ne répond donc plus au standard actuel des tailles d'écran. De plus il est développé en flash, cette vieille technologie obsolète qui n'est plus utilisée aujourd'hui. Le flash rend le site difficile à mettre à jour et surtout il n'est pas reconnu par google. En terme de SEO, avoir un site en flash n'est pas recommandable. Est-ce que Hermès est obligé d'avoir recours à l'achat d'adword pour obtenir un positionnement correct sur google ? J'espère que non, cela serait trop catastrophique...
En revanche, l'idée de base du site est excellente. Hermès communique sur le voyage, l'art de prendre son temps pour réaliser de belles choses, la poésie que l'on peut trouver dans le détail d'un objet... et de ce point de vue le mode de navigation du site institutionnel d'Hermès respecte à la lettre cet univers. Il n'y a pas de véritable navigation traditionnelle, la page d'accueil est un grand damier, chaque contenu est illustré par une image sans texte. C'est donc un par hasard que l'internaute choisi le contenu qu'il souhaite visionner. Alors bien sûr, c'est anti-ergonomique, c'est évidement tout ce qu'il ne faut pas faire dans un site internet. Le menu est masqué, l'utilisateur ne voit pas l'intégralité des contenus du premier coup d'oeil, et il faut prendre du temps pour trouver ce que l'on cherche. Et tout en cherchant l'internaute découvre d'autres contenus et se laisse aller à la flânerie et à la découverte. Les ailes d'Hermès est une invitation au voyage. Cette navigation peu conventionnelle sert à merveille le propos d'Hermès. Le site peut parfois paraitre irritant car si l'internaute cherche une information précise, il va lui falloir quelques instants pour la trouver. A l'heure de l'immédiateté, quelques instants c'est énorme ! Et pourtant, c'est cela l'esprit d'Hermès.
Une version mobile a été développé plus récemment, celle-ci reprend la navigation si spéciale du site, en l'adaptant à l'ergonomie mobile. Cette mise à jour prouve bien que la marque est à l'aise avec son site corporate et que c'est un choix délibéré de ne pas le faire évoluer.
A mon avis, il faut quand même détruire ce site. Il faut le détruire et le reconstruire à l'identique avec des outils modernes et en utilisant les standards du responsive actuel. Il faut un site plus confortable d'un point de vue ergonomique, afin que l'utilisateur puisse y rester plusieurs minutes. Il faut surtout le reconstruire en gardant cette notion de flânerie et d'évasion, ce site doit être une invitation au voyage. Chaque home page devrait être inattendue, une surprise, une découverte, avec des visuels plus grands, plus impactants. Ce qui est tout à fait réalisable puisse Hermès produit déjà une grande quantité de contenus de très belle qualité : un court film sur la relation entre un cheval et son cavalier, un reportage photo sur les mains d'Hermès, une nouvelle création des ateliers petit h...



Le site e-commerce possède les même erreurs que le site corporate. Cela parce que lui aussi, il n'a pas été refait depuis des années. Et "des année" à l'échelle de l'internet c'est "une éternité". La taille du site est minuscule, les images des produits sont du coup, elles aussi, toutes petites et le site n'est pas responsive... L'ergonomie est catastrophique et la lisibilité est médiocre, bref : rien ne va. L'esthétique même du site ne va plus. Cette très forte présence des illustrations et des typographies manuscrites était original il y a quelques années mais aujourd'hui cela est devenu ennuyant. L'internaute a besoin de renouveau, il n'aime pas être brusqué, certes, mais ne pas faire évoluer un site e-commerce pendant plusieurs années c'est trop. A mon sens, il s'agit même d'un véritable manque à gagner. Si les européens ne sont pas encore près à dépenser de fortes sommes sur internet, dans les pays asiatiques c'est une pratique déjà courante. Ne pas mettre son site e-commerce à jour c'est se priver d'une partie de la clientèle des pays émergents. La version mobile qui a été développé pour palier au fait que le site ne soit pas responsive, n'est pas convaincante non plus. Elle a le mérite d'exister, certes, mais l'ergonomie, la navigation, l'esthétisme, les mêmes erreurs s'y retrouvent encore.



Pourquoi Hermès a-t-il choisi de ne pas faire évoluer ses deux principaux sites internet ? Cela ne peut évidemment pas être un oubli, il s'agit d'un choix délibéré. Ce choix est peut être guidé par des impératifs techniques rendant difficiles la mise à jour d'un site e-commerce déjà existant. Cette réponse n'est pas plausible puisque qu'une petite partie du site a été mis à jour, avec succès, pour les foulards. Ce sous domaine la maison des carrés est attaché au site commercial, et il est lui moderne et brillamment réalisé. Son ergonomie, très bien desservie par un joli responsive, est très agréable, et l'esthétisme de la boutique est particulièrement réussie. Alors, pourquoi mettre à jour correctement une rubrique et laisser les autres abandonnées dans leur jus des années 2000 ?
La seule réponse plausible à mon sens c'est que Hermès ne souhaite pas développer l'achat online mais préfère inciter ces clients à se déplacer en boutique. Pourquoi ? Parce qu'en boutique le client va vivre une véritable expérience. Le soin apporté par chaque vendeur pour satisfaire son client, la gentillesse et le professionnalisme du personnel en boutique... le conseil ! Voilà pourquoi Hermès souhaite que ses clients se déplacent en boutique, afin de s'occuper d'eux comme aucun site internet ne le permet actuellement.



Le deuxième groupe de sites est constitué de tous les sites événementiels. Premièrement : il y en a trop et deuxièmement : quel est l'intérêt de les mettre en ligne sur une url dédiée ? Prenons l'exemple du film Les mains d'Hermès. Sans s'attarder trop longtemps sur les qualités exceptionnelles en storytelling de ce documentaire, posons nous simplement la question : Pourquoi avoir crée un mini site dédié à ce film. Lors de la sortie du film en 2011, l'idée de dédier une mini plateforme à ce projet permettait de le mettre en valeur et certainement de mieux en maitriser la communication sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, je doute qu'il y ait encore beaucoup d'audience sur ce site. Il semble que le projet ait juste été abandonné et qu'il soit tombé aux oubliettes. Il faut prendre une décision, soit le film ne correspond plus à l'image que souhaite véhiculer la marque et il faut donc supprimer ce site ; soit ce film, que personnellement je trouve magnifique, est encore d'actualité et dans ce cas il faut l'exploiter. Il n'y a plus de justification à le laisser seul, il vaut mieux le rapatrier sur le site des ailes d'Hermès et ainsi enrichir encore le contenu du site institutionnel. De plus comme la logique de navigation du site repose sur l'idée de la flânerie et du vagabondage, l'internaute pourrait par surprise découvrir ce moyen métrage. Ce serait aussi l'occasion d'abandonner cet horrible player flash, de passer la vidéo sur youtube et de commencer ainsi à comptabiliser les vues. Depuis le temps que ce film est disponible sur internet, il aurait dû cumuler un nombre de vues remarquable. De plus ce site dédié est encore en flash et sans parler de son design douteux et de son ergonomie hasardeuse, nous savons bien qu'avoir un site en flash n'a vraiment plus aucun intérêt.


En règle général, les sites récents lancés par la marque sont tous très bien réussi. Ils sont toujours en adéquation avec l'ADN de la marque. Actuellement, nous pouvons voir le site Hermèsisitible et le Manifeste. Ces projets sont intéressants car ils sont très expérimentaux, Hermès a vraiment une manière de communiquer qui lui est propre. Il y a souvent beaucoup d'humour et toujours cette envie de ne pas se prendre au sérieux. Sans avoir besoin de marteler le logo de la marque, l'internaute, même s'il ne reconnait pas Hermès au premier coup d'oeil, sait vite qu'il n'est pas dans un site e-commerce comme les autres. Ici la découverte, l'expérimentation sont importantes, il faut prendre le temps de flâner. D'ailleurs, de toutes façon, il n'est pas possible d'acheter les produits sur ces sites dédiés. Est-ce une volonté ou est-ce une impossibilité technique due au fait que le site e-commerce principal est antédiluvien ? La deuxième réponse semble de loin la plus plausible. Nous voyons encore ici, tous les avantages que nous pourrions obtenir en mettant à jour l'e-shop.
En revanche, je me pose toujours la question de l'intérêt de multiplier ainsi les plateformes. Nous trouvons aussi, le site défilé pour la collection prêt à porter, un autre site pour le Saut Hermès, qui est une compétition de saut d'obstacles organisée chaque année au Grand Palais de Paris. Pourquoi ne pas regrouper toutes ces informations sur un même site ? Il n'y a rien à gagner à tout séparer alors que la navigation de l'internaute serait tellement plus confortable avec un seul site, et je ne parle même pas de l'apport en SEO que cela engendrerait. Un seul site principal deviendrait un outil marketing très puissant, puisque sa visibilité serait bien plus grande que celle de tous ces petits sites réunis.
Dernier point, plus stratégique celui-ci : Pourquoi dans toute cette jungle des sites internet Hermès n'y a-t-il pas un site dédié à petit h qui est selon moi une des plus belles réussite d'Hermès de ces dernières années ? Quelques vidéos sur le sites des ailes d'Hermès est-ce bien suffisant ? Il nous en faut plus ! Une rubrique dédiée sur le site institutionnel semble nécessaire. La marque communique assez peu sur ces collaborations entre un designer et le savoir faire d'Hermès. Ce projet, il me semble, devrait être bien plus marketé et plus mis en avant.



Le troisième groupe, celui des marques dont le groupe Hermès est propriétaire, nous retrouvons le reflet des extrêmes présents au sein d'Hermès. Le site du bottier John Lobb est parfaitement à jour, efficace, responsive, doté d'une partie e-commerce, d'informations sur la marque mais aussi de conseils sur l'entretien ou le sur-mesure. Tout y est. Il me semble juste que l'esthétique globale du site est froide et ne reflète pas le passé grandiose de la marque.
Le site de l'orfèvre Puiforcat est lui aussi très moderne, clair et très fourni, mais il n'y a pas de possibilité d'acheter online. Cette évolution devrait être fait rapidement, c'est un vrai problème en 2016 de ne pas proposer de vente en ligne. De plus, il me semble que l'univers graphique du site n'exploite pas assez les racines de la marque. Un orfèvrerie de plus de 200 ans devrait communiquer sur son passé et mettre en avant cette histoire riche en création, tout en restant tourné vers le présent.
Le site de la cristallerie Saint-Louis est divisé en deux parties : un e-shop et deuxième partie dédiée aux informations sur la cristallerie. Nous retrouvons ici, les mêmes problèmes que sur le site e-commerce d'Hermès. La taille du site est trop petite, l'ergonomie minimaliste et responsive inexistant. Il n'y a pas non plus de version mobile. Le site semble ne pas avoir été mis à jour depuis plusieurs années.


Des évolutions possibles


Il faut réduire le nombre de plateformes et fusionner certains supports. Seuls les projets vraiment annexes, ont une raison d'exister sur une url dédiée comme le Saut Hermès par exemple ou le site finance. Tous les autres sites devraient être réunis ensemble. Je suis persuadé qu'il est possible de créer un site nouveau, respectant les codes actuels de d'ergonomie et de développement responsive tout en respectant l'univers si particulier de la marque. Il faut rechercher une navigation efficace et qui ne brise pas la volonté de flânerie et de promenade si chère à la maison Hermès. Le design est aussi à repenser. Je crois qu'il faut oublier cette utilisation un peu abusive des illustrations, ou au moins ces illustrations devraient trouver un nouveau trait et évoluer. Le CRM par exemple ne doit plus être très efficace, toutes les newletters sont identiques et traités avec des dessins du même illustrateur depuis trop longtemps, il faut du renouveau !

La refonte du site de marque, pourrait être l'occasion d'ajouter un brique brandcontent au projet. Avec toute l'actualité de la marque, les différents domaines d'expertise, les lancements de produits, les reportages, les films et les partenariats, il y a de quoi tenir à jour un vrai magasine autour de la marque et ainsi développer l'aura d'Hermès, maitriser sa communication sur internet et en plus améliorer encore le SEO du site.
Je crois que l'univers et l'esthétique posé par les sites corporate et e-commerce doit être gardé, mais il vaut mieux faire table rase de l'existant et recréer quelque chose de nouveau avec une forte personnalité grâce par exemple à une navigation nouvelle. Il faut respecter l'amour de l'expérimentation de la marque et proposer quelque chose de coloré, vivant et élégant.





site institutionnel : http://lesailes.hermes.com/ 

mercredi 11 mai 2016

Est-il possible d'optimiser les outils de communication de diptyque ?


Je souhaiterais commencer ce projet par l'étude d'une marque qui me tient à cœur : diptyque. Synonyme, pour moi, d'une certaine élégance et d'un raffinement délicat. Diptyque est le parfait exemple d'une communication impeccable. En tant que directeur artistique, je suis particulièrement touché par le soin apporté au design et au graphisme dans chacun des projets de la marque. En effet, tous les packaging sont travaillés avec élégance et les quelques boutiques ou corners que j'ai eu l'opportunité de voir étaient tous magnifiquement agencés.
Diptyque est une marque de niche, dans le sens où nous sommes loin d'une production de masse et où la qualité semble être une priorité essentielle. Marque de niche signifie aussi que celle-ci est plus ou moins confidentielle. Diptyque n'est pas très connue du grand public et reste une marque d'initiés.

Est-il possible d'augmenter la visibilité d'une marque afin d'améliorer sa notoriété sans en détruire la qualité ? La réponse est : oui, mais il s'agit là d'un un pari risqué. Si la marque souhaite évoluer et partir à la conquête d'une clientèle plus vaste, elle sera certainement obligée de créer des produits d'appel à un prix moins élevé et dont la production sera forcément conséquente. Il faudra augmenter la production de chaque produit, cette augmentation aura aussi un coût s'ils ne souhaitent pas en diminuer la qualité. Enfin le développement du réseau des boutiques et des infrastructures liées aux problématiques de distributions finiront de plomber le budget de la société. Sortir de sa position de niche est donc une stratégie à long terme qui doit s'effectuer lentement. Imaginons maintenant que le comité de direction de diptyque choisisse cette stratégie. Quels outils pourraient être utilisés pour améliorer cette communication ? Quels sont les leviers à activer pour augmenter la visibilité de diptyque sans trahir si possible cet esprit de luxe intimiste ?



L'histoire d'une marque discrète


Diptyque a été fondé il y a 55 ans à Paris par trois personnes aux profils pourtant bien différents : Christiane Gautrot qui était architecte d’intérieur, Desmond Knox-Leet peintre et Yves Coueslant administrateur et décorateur de théâtre. La boutique du 34 boulevard Saint-Germain ouvrira en 1961 et sera dédiée dans un premier temps à la création textile. Puis la boutique va évoluer et de nombreux objets chinés vont faire leur apparition et transformer ce lieu en un bazar chic. La boutique devient peu à peu aun lieu de décoration d'intérieur composé d'objets ramenés lors des nombreux voyages du trio.
En 1963, la première gamme de bougie parfumée est lancée, elle sera composée de trois fragrances : cannelle, thé et aubépine, qui sont toujours disponible à la vente aujourd'hui. Au fil des ans, de nouvelles senteurs enrichiront cette collection.
Le premier parfum mixte, une petite révolution pour l'époque, apparaitra en 1968 intitulé sobrement : L'Eau.



Le design est déjà une problématique essentielle puisque c'est en 1963 que Desmond Knox-Leet crée la forme ovale de son étiquette, reprenant le motif d'un médaillon du XVIIIème siècle. Cette forme, présente sur tous les produits de la marque, sera sans cesse réinventée. Les étiquettes des flacons de parfum, les palets parfumés, cette forme ovale est omniprésente dans l'identité graphique de la marque. Elle fait maintenant partie de l'ADN de diptyque au même titre que le logotype. C'est entre autres l'utilisation récurrente de cette forme ovale qui crée l'homogénéité des packagings.
Aujourd'hui, Diptyque a 7 boutiques en France, 6 autres à travers le monde, de très nombreux revendeurs agrées et un site e-commerce.



Le raffinement, l'élégance et le soin du détail


Le point commun à tous les éléments de communication de cette marque est l'élégance. Cette élégance est très souvent dû à la simplicité apparente et la sobriété. Le flacon de parfum a évolué de la forme cylindrique, qui était un clin d'oeil aux flacons utilisés dans les laboratoires de chimie, vers une forme ovale qui est maintenant la forme signature de diptyque. Dans ces deux flaconnages, la forme simple, géométrique, participe à l'esthétique sobre du produit. L'étiquette, ovale elle aussi, traitée dans un stricte noir et blanc rehausse l'aspect sobre du produit. La typographie employée, dont les empattements sont très prononcés, participe à créer ce coté statutaire, et rigoureux. En revanche, le mélange des lettres sur l'étiquette crée un décalage créatif très intéressant qui entre en conflit avec la forme du flacon, la rigueur du noir et blanc et le choix typographique. Si les bougies et les collections maison utilisent cette mise page, les parfums bénéficient eux d'une étiquette illustrée reprenant parfois le jeu des lettres mélangées. Ces illustrations au trait, et elles aussi en stricte noir et blanc enrichissent l'étiquette d'une scènette décorative en lien avec la fragrance ou la composition du parfum. Elles représentent des fruits, des fleurs ou toutes sortes de composants naturels. D'autres illustrations sont plus métaphoriques et mettent en scènes des animaux, des fontaines ou des jardins. Elles sont poétique et toujours très floral. Le thème de la nature est un élément essentiel dans la communication graphique de diptyque.
Le naming, les noms donné aux produits, est aussi énormément lié à la nature. Les bougies portent des noms de fleurs : Gardénia, Violette, Géranium Rosa ; ou des noms des matières premières utilisées dans la composition tel que : le Noisetier, le Cyprès ou le Patchouli. D'autres noms font référence à une image qui serait le reflet de la fragrance comme le Cognac, le Feu de Bois ou la Tubéreuse, qui represente la tubercule accompagnée d'une note herbeuse. Les parfums portent quant à eux des noms bien plus oniriques : L'Ombre dans l'Eau, Philoskos, Do Son, Tam Dao. Ces noms ne signifient pas forcément quelque chose, mais leur sonorité et leur évocation crée une notion de rêve. C'est une invitation, il s'agit du premier pas vers un voyage olfactif.
L'ensemble de cette identité graphique très forte sur les flacons de parfum et les bougies permet d'identifier extrêmement rapidement les produits diptyque.


Le même travail minutieux et soigné est apporté aux packaging. Ceux-ci sont, comme les produits et les flacons, travaillés avec des beaux matériaux et les finitions sont toujours irréprochables. Les emballages respectent la charte noir et blanc et les choix typographique. Selon les produits, les packs sont rédigés en blanc sur fond noir ou en noir sur fond blanc, parfois rehaussé de vernis sélectif ou d'un gaufrage. Le sac de papier dans lequel le produit est présenté au client après l'achat est lui aussi dans les mêmes codes graphiques. Nous y retrouvons en revanche une variation du logo dyptique en blanc sur fond noir, donc inversé par rapport au logotype officiel, et dont l'agencement des lettres rappelle le jeu crée sur les étiquettes des produits.


La magnifique cohérence de cet ensemble est pourtant rompu par l'emballage cadeau. En effet, comme beaucoup de grande marque de l'industrie du luxe, diptyque pratique l'art du wrapping. Il s'agit d'un emballage, souvent complexe, réalisé à partir de matériaux brut mais qui donne cette impression de grande simplicité. Chez diptyque, ces wrapping sont réalisés à partir d'une association de trois feuilles de papier de soie de couleurs différentes. Ce jeu de pliage est considéré par la marque comme une signature, au même titre que le numéro 34 et la forme ovale. Pour ma part, même si cet emballage est très beau, je le trouve trop en rupture avec l'univers de la marque. Là où tout est d'un noir et blanc élégant, tout d'un coup, un kaléidoscope de couleurs apparait. Ces couleurs n'ont pas de liens avec la charte, et elles n'apportent rien mise à part une certaine confusion. Des emballages utilisant des jeux géométriques de noir et blanc ou un dégradé de plusieurs teintes de gris, auraient pu mieux s'inscrire dans l'univers de la marque. De plus, il me semble que ces emballages sont presque toujours réalisés en avance. C'est à dire qu'à l'achat lorsque le client choisi le produit qu'il souhaite acquérir, le ou la vendeuse va directement chercher l'objet déjà emballé dans sa robe de papier en trois couleurs. C'est décevant ! Afin d'optimiser l'expérience client en boutique, les vendeurs devraient être formés et être capable d'effectuer ce pliage devant les yeux du client, qui patientera avec joie en observant ce spectacle. De plus, il est toujours désagréable de choisir un produit dans un étalage et de voir, au moment de payer, le responsable de la boutique le reposer pour en sélectionner un autre.

La boutique historique du 34 boulevard Saint-Germain a une atmosphère bien particulière, nous y retrouvons les racines de la marque diptyque. Le passé de bazar du lieu resurgit et donne cette magnifique impression au client d'être en train de chiner à la recherche d'un parfum ou d'un objet rare. Pendant plusieurs années, l'ensemble des corners et des boutiques diptyque ont été traité dans un esprit très épuré, noir et blanc, respectant à la lettre la charte de la marque. Le blanc régnait en maitre, et le mobilier était composé de structure en corian blanc ou noir. La mode était aussi à l'homogénéité des lieux de vente à travers le monde. Aujourd'hui les nouvelles boutiques ont beaucoup plus de personnalité. Chacune raconte une histoire différente et toutes tendent à retourner vers l'esprit bazar chic du 34 boulevard Saint-Germain. La décoration intérieure utilise maintenant beaucoup plus de matériaux bruts comme la céramique, le bois ou le marbre. Les boutiques sont plus chaleureuses et il y a une volonté de créer une expérience cliente différente en fonction des points de vente et de se différencier ainsi des enseignes plus mass market où toutes les boutiques sont les mêmes à travers le monde.

Le site e-commerce de diptyque est assez inégal, certains aspects sont réussis, d'autres le sont moins. Premièrement l'esthétique globale du site respecte bien l'image de la marque, mais celle-ci est trop sage et ne joue pas assez avec les codes. La notion de rêve que doit diffuser une marque de luxe n'est pas assez présente. Nous pourrions avoir des jeu de typographie comme sur les étiquettes, une plus large utilisation des dessins fait à la main qui donneraient un coté plus artisanal et intimiste au site. Quelques points sont même désuets comme ces call to action avec une ombre portée qui s'inverse au roll over. Le site est responsive mais le menu déroulant est lui aussi très connoté. Je n'ose pas entrer dans le détail du diaporama du diffuseur électrique qui est en flash et semble très daté. Plusieurs details gâchent ainsi la navigation en créant se petit coté vieillot. Il n'y a pas de vraie expérience utilisateur. En revanche, certaines pages montrent une volonté de renouveau, comme toute la rubrique de la collection 34, qui est colorée, confortable et animée. La partie sur le langage des fleurs est aussi magnifiquement dessinée et accompagnée d'une belle parallaxe. Elle n'est malheureusement plus mise en avant, et il faut chercher dans les profondeurs du site pour la dénicher. Une partie plus expérimentale, l'expérience 34, pousse trop loin le coté déstructurant et l'ergonomie minimaliste. Cette page serait parfaite pour Maison Margiela mais elle n'est pas vraiment à sa place chez diptyque. La partie la plus importante de ce site est évidement la partie e-commerce. Celle-ci est efficace, clair, simple, épurée mais elle n'est pas très ergonomique et surtout elle n'invite pas vraiment à l'achat. Pareil, l'interface et l'expérience utilisateur pourraient être amélioré. Il faut trois actions pour obtenir une grande image d'un produit ! Autre point bloquant, le site n'est disponible qu'en français et en anglais. Pour une marque de luxe, même pour une marque de niche, des versions en japonais, chinois et arabe me semblent nécessaires.



Le site comporte un blog appellé Mémento, ce blog est particulièrement intéressant car il va au-delà de l'actualité de la marque. Certains articles traitent de l'actualité en général, du lifestyle ou du voyage tout en gardant un point de vue descriptif rendu à travers le prisme de la marque. Ce blog est le premier pas vers du brandpublishing et devrait être plus développé. Ce site pourrait être amélioré en suivant les principes de bases du SEO afin d'améliorer le référencèrent sur Google. Il faut commencer par rappatrier le contenu du blog Mémento dans le site corporate puisqu'il est actuellement sur une url dédiée. Ensuite il faut créer des liens croisés entre les articles et les produits de la partie e-commerce afin d'augmenter le taux de transformation. Puis il faut mettre en place des archives mensuelles et annuelles, faire remonter les top, et créer des ponts dans le sens inverse, c'est à dire des fiches produits vers le Brandcontent. C'est en suivant ces règles que le référencement naturel du site sera amélioré.
Globalement le site ne comporte pas d'erreurs majeures, mais il n'apporte pas une expérience très convaincante, nous sommes très loin de l'expérience que peut vivre un client se déplaçant en boutique.



Des Stratégies de marketing classiques et efficaces


En 2011, pour fêter les 50 ans de la maison, diptyque lance la gamme 34 faisant écho à la boutique historique du 34 boulevard Saint-Germain. Il s'agit là d'un bel exemple de storytelling, exactement comme Chanel le fait avec sa boutique historique du 31 rue Cambon. Cette opération marketing, en plus de développer un nouveau produit, a pour but de raconter à son public les racines de la marque. Elle met ainsi en avant son appartenance à Paris et se présente à ses clients comme une marque au passé chargé d'histoires. L'intérêt d'une telle opération est la découverte par le client des aspects jusque là méconnu de la marque. Celui-ci passe du statut de simple client à celui d'initié. Il sera ensuite lui-même capable de raconter cette histoire et ainsi de continuer à promouvoir la marque.

Nous pouvons voir en ce moment même un autre exemple de storytelling avec le lancement de la collection éphémère sur Le Voyage. Cette collection fait référence à l'esprit aventurier des trois fondateurs de la marque. Elle est l'occasion de décliner en format réduit quatre parfums, des bougies et d'autres produits de cosmétiques afin de pouvoir les glisser dans nos valises et les emporter avec nous en voyage. Hormis le storytelling du voyage, qui est déjà un classique bien exploité par la marque Cartier, l'intérêt de cette opération réside dans l'utilisation pour la première fois de photographies dans la communication de la marque. En effet, les packaging sont construits à partir d'une superposition particulièrement réussie de photographies tout en gardant les principaux codes graphiques inhérent à la marque. Les autres éléments visuels associés à ce projet utilisent aussi des photographies comme le site internet qui présente la nouvelle collection grâce à des associations de photographies et des moodboards au lieu d'utiliser des dessins en noir et blanc. Cette originalité permet une différenciation et une mise en avant immédiate du projet sans aller à l'encontre de base créatives de la marque.



D'autres mini collections utilisent cette technique du packaging spécifique afin de se différencier des produits faisant parti de la collection permanente. Chaque année de petites collections saisonnières sont ainsi mises en avant. Celles-ci utilisent un packaging plus coloré et se permettent souvent des variations dans la mise en page des étiquettes. C'est une manière simple d'apporter du renouveau et une actualité facilement déployable sur les différents supports de communication qu'ils soient online ou offline.

Faire une collaboration avec un artiste est aussi une excellente manière d'apporter du renouveau et de construire une petite histoire. Un nom apporte sa signature, sa patte et, potentiellement, sa clientèle aussi. Un artiste, en tant qu'intervenant extérieur à surtout beaucoup plus de liberté créative. Il peut (et il doit) briser les codes graphiques porté par la marquer. Son rôle est de jouer avec ces codes afin de surprendre le client habitué à la marque. Citons l'exemple du peintre Julien Colombier qui a été mandaté pour créer trois visuels afin d'illustrer la sortie de trois nouvelles fragrances : sapin, liquidambar et oliban. Il a choisit de représenter en couleurs les végétaux qui sont utilisés dans la composition de chaque fragrance. Ce qui est intéressant, c'est qu'il n'a pas modifié son style ni son répertoire graphique pour s'adapter à celui de diptyque. Alors qu'une agence traditionnelle va essayer de se fondre dans l'univers de la marque, un intervenant extérieur amène avec lui ses codes et son histoire. C'est la mise en commun de l'histoire de la marque et celle de l'artiste qui aboutit à la naissance d'un projet original ne trahissant aucune des deux histoires mais qui au contraire se nourrit de chacune d'elles. Les trois oeuvres réalisées par Julien Colombier ont été utilisé en décoration sur les bougies mais aussi sur des fourreaux crées exceptionnellement pour cette gamme. Pour l'occasion les packaging traditionnels ont même été mis en couleur eux aussi. Ces visuels ont aussi très certainement été exploitées sur le site e-commerce et comme levier événementiel sur les réseaux sociaux. La collaboration est une vraie plus value pour la marque, elle apporte de la nouveauté et la découverte d'un nouvel artiste. Bien sûr celui-ci doit être choisi avec soin afin d'être sûr que son univers personnel crée une belle symbiose avec celui de la marque. Le seul risque des collaborations, c'est d'en faire trop régulièrement et de perdre son identité.



Diptyque utilise aussi, dans une moindre mesure, la mise en avant de son savoir faire. La marque se présente ainsi comme un artisanat au savoir faire ancestral. Cette méthode est très largement utilisée par Hermès qui met en en scène régulièrement le savoir faire de ses ouvriers spécialisés intervenant dans les processus de conception d'un produit. Il s'agit généralement des méthodes traditionnelles qui sont ainsi mises en avant comme le travail d'un cordonnier cousant à la main des chaussures en cuir sans utiliser de machines modernes. Le client découvre ainsi l'envers du décor à travers un reportage photo ou un court film. Il découvre le temps nécessaire à la réalisation du produit, le nombre des différents corps de métier qui interviennent dans le processus de réalisation, et surtout le tour de main exceptionnel des maîtres artisans. Cette méthode a pour but de mettre en valeur un produit, de justifier son prix et d'apporter du rêve. A travers la présentation d'un seul produit c'est toute la marque qui bénéfice d'une nouvelle aura puisque le spectateur ne manquera pas de déduire que le même soin est apporté à l'ensemble des réalisations de la marque.

De manière générale, la communication de diptyque me semble particulièrement réussie. Elle allie la simplicité et l'efficacité avec l'élégance et le raffinement. Cette forte personnalité crée des produits très rapidement identifiables comme appartement à la marque diptyque. Le même soin est apporté aux boutiques et aux méthodes de marketing employées. Le storytelling du voyage, la mise en avant des composants naturels employés dans la composition des fragrances, l'utilisation des thèmes floraux, tous ces éléments combinés les uns aux autres, créent une cohérence remarquable qui définit la marque aujourd'hui.




Des développements possibles


Le lancement d'une campagne print, même si elle a peut de retombées directe, peut servir à assoir la notoriété de la marque grâce à des publications dans des magazines pointus sur la mode, le lifestyle ou le voyage. Évidement pas de présence dans les rues, afin d'éviter de briser l'image de niche de luxe de la marque. Pour les mêmes raisons, il faudra éviter de réaliser des campagnes médias online dont la cible est trop souvent imprécise et pas assez spécialisée. En revanche, il semble très intéressant d'intensifier le travail avec les communautés de blogueurs qui participent par la rédaction de leurs articles (sponsorisés ou non) à la notoriété online de la marque. Ce mode de communication a aussi l'avantage de perpétuer le bouche à oreille, qui est le premier mode de communication des marques de niches, d'où l'importance du storytelling comme nous l'avons déjà vu. Il faut nourrir ces blogueurs en leur apportant des histoires à raconter et en les invitant à vivre l'expérience de la marque en boutique, car c'est aussi cette expérience qui peut devenir un sujet d'article pour un blogueur.

L'utilisation actuelle des réseaux sociaux, en revanche, ne me semble pas très pertinente, dans le sens où ils sont sous-exploités. En effet les différentes plateformes Facebook, Twitter, Instagram, etc, sont mises à jour sans grande personnalité. Or tout l'intérêt d'une marque de niche réside justement dans sa personnalité très prononcée ! Quel est l'intérêt de casser tout le travail effectué depuis des années par l'équipe marketing en communiquant maladroitement sur les réseaux sociaux ? Il ne faut pas se contenter de relayer les évènements ou les lancements de produits et de faire de temps en temps un jeu concours. Les réseaux sociaux devraient être les outils pour recréer le bouche à oreille via la mise en avant d'une vraie personnalité et d'un ton d'expression original. Le but est de créer une communauté et de la fidélisé.

Le site e-commerce devrait évoluer vers un site corporate plus complet. Tout en gardant la partie marchande au centre du site, il lui ajouter toute une notion de storytelling et de brandpublishing. Ce retravail doit aussi être l'occasion d'améliorer les animations et l'ergonomie afin d'obtenir une expérience utilisateur d'aussi bonne qualité que l'expérience client en boutique.




L'image de marque crée par diptyque est magnifique. Ses fragrances de qualités, son design discret et élégant en font une marque de niche raffinée. Néanmoins certains points de la communication pourrait être développés afin d'en améliorer leur efficacité sans pour autant nuire au positionnement de la marque.
Parmi ces développements, il semble que la communication digitale soit un vrai challenge pour les marques de luxe. Le ton à adopter sur ce support est souvent délicat à trouver et l'obsolescence, extrêmement rapide, des moyens d'expression de ce média en font un sujet difficile à maîtriser.




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